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L’Agronome et militant politique Alix Fils Aimé nous a quittés

Mai 28, 2019

Alix Fils-Aimé (Boulon), 69 ans, s’est éteint  mardi après-midi à l’hôpital Bernard Mevs où il était soigné pour une tumeur au cerveau. Ex-député de Pétion-Ville/Kenscoff, ancien président de la Commission nationale de désarmement, de démantèlement et de réinsertion (CNDDR) sous la présidence de René Préval, militant de gauche ayant roulé sa bosse au Nicaragua, à la Grenade et en Libye, « l’engagement premier de mon père était contre l’injustice sociale », a confié au journal Didier Fils-Aimé, l’un de ses trois enfants. Le fils garde de son père le souvenir d’un homme fier d’avoir servi son pays, « avec honnêteté, sans être souillé ». Il a toujours revendiqué ce legs, ce « patrimoine », a poursuivi Didier Fils-Aimé, homme d’affaires, ex-candidat au Sénat de la République pour le département de l’Ouest.

Bouquet d’hommages…

L’ex-chancelier Fritz Longchamp a regretté « une grande perte ». « Une perte bien avant son décès, quand il avait décidé de se retirer de la vie active, de la politique », a poursuivi Fritz Longchamp, qui étouffe un regret en comparant les responsables de la sécurité d’aujourd’hui avec « un Boulon, un Denizé, un Bob Manuel ». « Je peux voir la différence », a-t-il soutenu. « Je n’aurais jamais cru voir de mon vivant l’effondrement de l’État », a confié avec peine Fritz Longchamp.

Robert Duval, incarcéré à Fort-Dimanche et au pénitencier avec Didier Fils-Aimé sous la dictature des Duvalier, garde le souvenir d’un homme « intelligent », « avisé », « un homme politique réaliste qui n’a pas fait de stupidité ». Robert Duval a retrouvé Alix Fils-Aimé après la prison et surtout pendant cette période où les victimes ont porté plainte et témoigné devant la justice contre l’ex-dictateur Jean-Claude Duvalier, revenu en Haïti en 2011. « C’est malheureux qu’il ne soit plus là », a témoigné Robert Duval. Fier des acquis sur les libertés individuelles, Robert Duval a lui aussi des regrets. « On n’a pas lutté pour ça, pour voir que, malgré nos efforts,  comment la situation s’est dégradée. Les forces rétrogrades sont tellement plus fortes que les forces progressistes », a-t-il dit.

Mario Andrésol, ex-directeur général de la PNH sous René Préval, a souligné la volonté qu’avait Alix Fils-Aimé de faire bouger les lignes. « Il était un très bon collaborateur, très hardi à la tâche, voulait réussir, faire quelque chose », a témoigné Mario Andrésol. Si le résultat de la CNDDR était mitigé, c’était une première expérience de laquelle on peut apprendre, a indiqué Mario Andrésol.

« Boulon était à mon avis l’incarnation de l’intensité des luttes pour la création d’un nouvel État haïtien après l’ère Duvalier. Il avait une lecture très fine de la complexité du pays tout en se faisant l’écho des mouvements populaires. Ses analyses très précises nous manqueront », a réagi Harold Isaac après le décès. « De plus, je pense qu’il aurait vraiment apprécié un petit mot en faveur des vertus du moringa dont il a été un ardent promoteur au cours des dernières années. À en voir la popularité ces jours-ci, ses efforts ne furent pas vains. Boulon était unique en son genre et nous manquera », a-t-il indiqué.

Le journaliste français, Jean Michel Caroit a partagé sa tristesse. « Triste nouvelle. Alix Fils-Aimé «Boulon » était un ami et un militant du mouvement démocratique », a-t-il dit.

Les années de prison, la quête de justice

Il y a six ans, en 2013, au tribunal, Alix Fils-Aimé a campé le régime des Duvalier. Ses mots sont forts, ses images celles d’un miraculé ayant arpenté le couloir de la mort. Sa vie, avait-il raconté, a basculé le 26 avril 1976. À Carice, dans le Nord-Est, il est tombé dans les mailles du filet de la police politique du régime. Le jeune homme, comme tant d’autres, est de la chair fraîche pour Albert Pierre, dit Ti Boule. « Je tentais de saper l’attachement de la paysannerie à la révolution duvaliériste, m’a dit ce tortionnaire alors que j’aidais les paysans à planter, à améliorer leur système d’adduction d’eau pour irriguer leurs champs. » 16 mois durant, aux casernes Dessalines, Alix Fils-Aimé a raconté son calvaire entre sa cellule solitaire et la salle de torture. Du fort Dimanche, il a gardé des images toutes aussi sordides. Celles des journées qui commençaient à 2 heures du matin, celles de ceux qui mouraient.

Flash-back. Dans ses mots, on traverse ce couloir miteux infesté de punaises, de moustiques…. où, a-t-il expliqué, des soldats conduisaient des prisonniers prendre de rares douches. Sorti vivant, Alix Fils-Aimé disait chercher douze de ses compagnons de cellule. Ils manquent encore à l’appel. Lucien, Anous…

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