Ti Paris est, indubitablement, le plus fameux troubadour contemporain haïtien. Achilles Paris, poète, débonnaire, joueur de guitare, banjoïste et compositeur d’exception, vient de Jacmel, la cité merveilleuse, “derrière les collines”, étalée face à la mer mystérieuse et turbulente.
Tout commença pour lui dès l’âge de dix-sept ans, lorsque, habité par la fièvre de la musique, il abandonne le toit familial pour se rendre à Port-au-Prince, la capitale du show-business, dans l’engouement “indigéniste” des décennies 19940, 1950. C’est en 1950 que “ti Paris” fit son entrée sur la scène musicale.
Souvent aimé, jamais désavoué, “ti Paris” écrivait ses chansons dans la tempête: chansons de révolte, chansons d’amour, chansons fantaisistes qu’il exécutait au fumet d’un rythmique 4/4 qu’il concoctait lui-même au son du macala, du tambour et de la guitare. Sa voix singulière et ironique au phrasé simple et gouailleur transcendait l’esthétisme du bel canto pour projeter un dadaïsme et un lyrisme fleuris
Composteur prolifique, ses nombreux refrains étaient repris sur toutes les lèvres. Dans les fêtes champêtres, les salons, les kermesses et les festivals, un large public accourait à chaque présentation pour venir applaudir cet étonnant saltimbanque muni de son banjo ou de sa guitare. Il enflammait une audience aux prises avec les mystifications de la bienséance et de l’agréable. “L’effet ti Paris” se répandait comme une contagion dans les résidences, cahutes ou châteaux et même dans les pièces théâtrales où ses morceaux furent passionnément repris. (…)
Entre ses deux disques “Ti Paris et sa guitare”, son œuvre posthume, “Anasilya”, et ses nombreux morceaux inédits entrain de moisir dans les tiroirs d’un quelconque producteur.
Le répertoire de Achilles Paris est intarissable: Tchoul la sou, Gròg mwen, Fè gròg la mache, Pale Paris, Mon idéal, Banm pam ladann, Lè ou marye, Par jalousie, Cochon St-Antoine, Ladann pou m mouri, Fanm ayisyèn, 9h et demie, Ale pou vini, Desann bò dlo, Je t’ai beaucoup aimé, Vwayaj Ti Paris, Tripotaj mizikal, Anasilya, Samedi soir, Manfouben, etc. Autant de succès qui le présentent comme une machine à produire des tubes dans la musique et le compositeur le plus interprété.
Le Jazz des Jeunes et Gérard Dupervil ajoutaient certaines de ses compostions à leur répertoire. Gesner Henry (Coupé Cloué) et son «Trio Select», «Ibo Combo» et José Tavernier, ainsi que «Boulo» Valcourt en faisaient autant. Plus tard, les «Shleu Shleu» et le «Bossa Combo» s’en sont inspirés pour en faire des tubes sur le marché mini. (…)
Jusqu’au début des années 1970, “ti Paris” damait encore le pion aux groupes de l’heure, ainsi qu’aux mini-jazz qui commençaient à occuper le devant de la scène. Puis advint l’éclipse et l’on perdit ses traces même au Portail de Léogâne au Boulevard Jean-Jacques Dessalines où il s’attardait toujours en quête d’un délicieux “bega”.
Découragé, miné et exploité par le milieu affairiste, Achilles Paris se retira dans son Jacmel natal. C’est de là que parvint, un matin de mars 1979, la triste nouvelle de sa mort à l’âge de 46 ans.
- Si vous désirez lire le texte au complet: consultez le fameux ouvrage de Ed Rainer Sainvil : «Tambours frappés Haïtiens campés»
NDLR – Aujourd’hui encore, plusieurs artistes, dont Beethova Obas, s’inspirent de ses œvres et de son style, tout en continuant à interpréter plusieurs chansons de ce fameux troubadour contemporain haïtien le plus productif que notre chère Haïti ait jamais connu.