L’empereur Aboudja de Lakou Soukri-Danach, de son nom civil Ronald Derenoncourt, a rendu l’âme suite à une maladie longuement supportée le 27 février 2020. C’est le deuxième décès en juste un mois après celui de Marie-Carme Delva, la principale responsable de ce lakou de rite congo des Gonaïves. L’homme de 66 ans est décrit comme un être entier compte tenu de son fidèle engagement dans le milieu vodou.
Ronald Derenoncourt, plus connu sous le nom d’Aboudja, pourrait inspirer à Jacques Kérouac un de ses romans les plus aboutis du fait de son refus des sentiers battus. L’homme appartient à ce club sélect de quelques Port-au-Princiens qui ont réussi leur ruralisation. L’ancien des frères du Petit Séminaire Collège Saint-Martial a élu domicile à Paillant depuis des années, selon Jerry Benjamin, qui se présente comme son fils spirituel. «Mon géniteur, dit cet autre initié de Lakou Soukri, m’a abandonné à cause de mes pratiques ancestrales. Aboduja m’a récupéré. On avait tous les deux une dévotion pour le “loa Simbi Ganga”».
L’homme a vécu aux États-Unis, selon le témoignage de Delano Morel, un de ses amis de longue date. Ce dernier explique qu’il s’était rendu compte du talent de poète du désormais disparu quand il est tombé sur un manuscrit comprenant des textes en créole, français et anglais.
Mais vu le positionnement tout à fait à gauche d’Aboudja, son amour pour la patrie et ses engagements en faveur du vodou, la république à la bannière étoilée ne semblait pas lui convenir. Et pour cause, Jerry avance que quand son épouse et lui ont décidé de rendre leur carte verte, le bureau de l’immigration qu’ils ont contacté leur ont suggéré de se donner 3 jours de réflexion pour être certains de ne pas prendre une décision à la hâte. Ils seraient revenus après les 3 jours indiqués avec la ferme décision de ne pas se raviser. Ils se sont contentés de visa pour quelques allers-retours chez nos voisins du Nord avant qu’Aboudja ait décidé de ne plus avoir de passeport.
Son talent de tambourineur était tel qu’il a été longtemps «Lanmeral», c’est-à-dire joueur de tambour dans les rituels dans la tradition des lakou des Gonaïves. C’est l’un des pionniers à qui le milieu vodou est redevable de beaucoup de choses. En plus d’être percussionniste, Aboudja était producteur et aidait à la formation de plusieurs groupes. Tous ceux qui l’ont fréquenté évoquent son passage au sein de «Samba Yo», ses relations avec Sò Àn, Sosyete grandra, Foula… L’homme était agronome, mais aussi photo-journaliste. Il était aussi acteur/comédien; on le retouve dans «Lavi Nouyòk» de la troupe Languichatte.
Aboudja s’engage dans le vodou en 1982 et devint empereur de Soukri-Danach en 1996. C’est un père de 6 enfants qui n’hésitait jamais à aider les autres. Jerry gardera en mémoire l’humilité de son mentor, son sens aigu de l’écoute des autres et surtout son entièreté par rapport à ses convictions.
Victime d’un accident de la route l’an passé, Aboudja devait circuler sur chaise roulante. Cela ne l’a point empêché de participer activement au service de son lakou. Il a souffert depuis quelque temps d’embolie pulmonaire jusqu’à sa mort survenue le 27 février 2020.
L’empereur ancré dans ses certitudes a été enterré selon ses dernières volontés le lendemain même à Paillant où il résidait depuis longtemps (…)
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